Pura vida en bicicleta !

Avec le froid glacial de ces dernières semaines, l’équipe du CADR 67 a décidé de mettre le cap au sud, direction l’Amérique Centrale. Nous débarquons dans un petit pays, dont la superficie est équivalente à celle de la région Grand Est. Mais ne vous y trompez pas : ses habitants, surnommés les Ticos, pourraient bien vous surprendre.

On vous donne quelques indices : le pays a fait le choix de la démilitarisation totale depuis 1949, il produit la quasi-totalité de son électricité à partir des énergies renouvelables et il a été sacré « pays le plus heureux du monde » par l’Happy Planet Index. Vous avez trouvé ? Bienvenue au Costa Rica ! Nous retrouvons Roberto, grand sportif amoureux de la petite reine, pour une interview haute en couleurs et qui sent bon le café…

Café, sport, plage : le secret du bonheur ?

Comme tout bon Costaricain qui se respecte, Roberto est un fan inconditionnel de café. NDLR : Moi qui suis plutôt thé/tisane, je dois avouer que le café du Costa Rica vaut le détour – j’en toucherai d’ailleurs quelques mots à Fabien, histoire de renouveler les réserves du CADR 67…

Roberto est aussi un grand sportif. Le sport, c’est un truc de famille : sa mère a fait partie de l’équipe nationale costaricaine de basket-ball féminin et continue d’entraîner des équipes, à près de soixante-cinq ans. Roberto, lui, pratique le triathlon depuis plus de vingt ans. Cette pratique sportive à haut niveau lui a donné l’occasion de voyager à travers le monde pour participer à diverses compétitions, en parallèle de son cursus scolaire.

A l’issue d’une licence en génie civil à l’Universidad de Costa Rica, Roberto a travaillé quelques années dans le domaine de la construction. Il m’expliquera un jour que les conditions de travail n’étaient pas optimales : « J’ai commencé à travailler en 2008, au moment de l’effondrement du marché immobilier aux États-Unis. Ce n’était pas une période facile pour le BTP. Et puis, je n’aimais pas ce que je faisais : je voulais quelque chose de différent. »

Roberto décroche alors un poste de business researcher dans un cabinet de conseil. Son métier ? Mener des études de marché, dans le domaine des transports et des infrastructures, en lien avec les équipes de consultants. Comme il le dit lui-même : « Contribuer à l’amélioration des transports et des déplacements, voilà ce dont je rêve depuis toujours ! » Roberto fait un petit détour par Munich, en Allemagne, où il décroche un master de spécialisation dans les systèmes de transport, avant de rentrer au Costa Rica où il exerce désormais comme senior business researcher.

Le vélo : de la pratique sportive aux déplacements du quotidien

En un mot : Roberto aime le vélo. Il est d’ailleurs un fan inconditionnel du Tour de France, qu’il a suivi avec beaucoup d’assiduité, lorsqu’il était au lycée et à l’université. Roberto s’explique : « J’aime la compétition bien sûr, mais avec le Tour de France, c’est surtout l’esprit d’équipe que je trouve remarquable. On ne dirait pas comme ça, mais il y a toute une stratégie qui se met en place au sein de l’équipe des coureurs. Par exemple, les cyclistes se mettent en formation pour bloquer le vent et permettre aux autres d’avancer. A la fin, il n’y a qu’un gagnant, mais le champion n’atteindrait jamais les marches du podium sans le soutien de ses coéquipiers. »

Roberto a appris à faire du vélo quand il avait sept ans, avec son père, devant la maison familiale. Il ajoute avec un sourire : « Je m’en souviens comme si c’était hier ! » Petit, il utilise souvent le vélo pour se déplacer dans son quartier, mais ne s’aventure pas sur le chemin de l’école. Il explique : « Personne ne se rendait à l’école à vélo. Il n’y avait même pas de place pour garer les vélos à l’école… Soit les parents amenaient leurs enfants en voiture, soit les enfants venaient en mini-bus. »

Maintenant qu’il travaille à la capitale, San José, Roberto pratique le vélo de manière quasi quotidienne : le week-end, pour faire du sport, mais aussi en semaine pour se rendre au travail. Il raconte : « Je prends le vélo environ deux fois par semaine pour aller travailler. Le trajet de chez moi au bureau fait 5,5 km. Parfois, je préfère utiliser la voiture : s’il pleut fort ou si j’ai des choses lourdes à transporter. Après 8h du matin, il devient difficile de venir au travail à vélo. Il commence à faire très chaud et, comme j’ai une côte importante à gravir, ce n’est vraiment pas pratique ! » Il ajoute : « Je suis sur le point d’acheter un vélo électrique, un bon moyen de franchir les côtes sans trop se fatiguer. Je suis persuadé que ce serait une excellente solution pour beaucoup de personnes ! Le problème, c’est que l’achat d’un vélo électrique coûte cher – un peu moins de 1.000 dollars – et que beaucoup de Costaricains ne peuvent pas se le permettre… ».

Qu’en est-il des proches de Roberto ? « Mes amis sportifs font pas mal de vélo, mais très peu de mes collègues l’utilisent pour se rendre au travail. Actuellement, sur les 800 personnes de mon entreprise, je n’en ai vu que 3 ou 4 venir au travail à vélo. La grande majorité vient en voiture ou utilise le bus d’entreprise. » Roberto explique les freins à la pratique du vélo : « Il y a bien sûr le climat chaud (autour de 28-29 degrés en milieu de journée) et la topographie vallonnée du Costa Rica, mais ce ne sont pas les raisons principales. Le plus problématique, c’est la vétusté des infrastructures et le trafic automobile dense qui rendent la circulation à vélo dangereuse. »

Preuve à l’appui, Roberto m’envoie un petit film de son trajet à vélo de chez lui au bureau :

 

Une anecdote sur le vélo ? « Une fois, j’étais au Costa Rica en train de descendre une colline à vélo, lorsqu’un camion a failli me renverser. J’ai bien cru que j’allais y passer. J’ai vu ma vie défiler devant mes yeux pendant une fraction de seconde. » Après un petit moment de pause, Roberto ajoute : « En y repensant, j’ai aussi failli mourir au volant de ma voiture… La sécurité routière au Costa Rica est vraiment problématique ! »

Presas, presas, presas

La question des transports et des déplacements est au cœur des débats publics au Costa Rica. Le pays doit faire face à des embouteillages monstres, que les Costaricains appellent « presas » (qui signifie « proies », en référence aux automobilistes captifs des embouteillages) . Ces interminables files de véhicules représentent une perte de temps considérable pour les conducteurs mais aussi un poids économique pour le pays : en 2009, le coût généré par les embouteillages était estimé à près de 3% du PIB costaricain ! La faute à l’explosion de la taille du parc automobile, la centralisation du travail et des services dans la capitale, un réseau d’infrastructure vétuste et inadapté, sans compter la déficience des transports publics.

Roberto s’exprime à ce sujet : « Le point positif, c’est qu’il est possible de se rendre quasiment partout dans le pays avec le réseau de bus. Les tarifs sont raisonnables, mais ce n’est pas non plus bon marché. Comme le gouvernement ne donne pas de subventions, le financement du réseau repose entièrement sur les revenus générés par la vente des tickets. » Il poursuit : « Le problème, c’est qu’il n’y a pas de véritable coordination entre les différentes lignes de bus, chacune étant opérée par une compagnie de transport différente ! Le réseau de bus reste très rudimentaire : il n’y a pas de site internet où trouver l’information, pas de fiches horaires et les clients sont obligés de payer en liquide… »

Et le vélo dans tout cela ? « Pour qu’il y ait plus de personnes qui se mettent au vélo, la première chose à faire, c’est d’assurer la sécurité des cyclistes. Actuellement, il n’y a quasiment pas d’infrastructures cyclables. La première piste cyclable digne de ce nom a été récemment inaugurée dans la capitale (environ 6 km) et une nouvelle piste devrait bientôt la traverser d’ouest en l’est (sur 13 km). » Il ajoute : « Depuis quatre ans maintenant, les choses commencent à bouger. Les médias se mobilisent et des groupes de pression commencent à faire entendre leurs voix. Les Costaricains commencent à être plus instruits et à parler de transport public. »

Roberto m’explique avoir contribué aux actions de l’association non gouvernementale ACONVIVR : un groupement d’athlètes qui militent contre la violence routière et le manque de respect des usagers de la route. L’association a mis en place plusieurs campagnes pour sensibiliser le grand public au problème de la sécurité routière, promouvoir l’utilisation du vélo et autres moyens de transport non motorisés, mais également demander l’achèvement de routes, partiellement construites, afin que celles-ci soient plus sûres et plus accessibles. Suite à la loi décrétant le port obligatoire du casque pour les cyclistes, ACONVIVIR a lancé la campagne Casco para el prójimo (« Un casque pour le voisin ») dans le but de collecter des casques de vélos pour les personnes qui n’auraient pas les moyens d’en acheter, notamment les élèves des écoles rurales.

Conscient des difficultés à faire bouger les choses au niveau gouvernemental, Roberto est rentré de Munich avec de belles idées plein la tête. L’une d’entre elles est le concept du « Corporate Mobility Management » – qui pourrait être traduit en français par « la gestion de la mobilité d’entreprise ». Puisque le trafic automobile est en grande partie dû aux personnes qui se rendent au travail, autant prendre le problème à bras le corps en mobilisant les entreprises. Encourager l’autopartage entre les employés, mettre en place un bus d’entreprise, faciliter le travail à la maison, installer des douches pour les employés se rendant au travail à vélo, participer au financement de l’achat d’un vélo électrique : voilà autant d’initiatives que les entreprises costaricaines pourraient mettre en place pour améliorer la mobilité de leurs collaborateurs et lutter contre le fléau des « presas ».

Dans un pays aussi porté sur l’environnement et les énergies propres que le Costa Rica, il serait grand temps de repenser les pratiques de mobilité pour des déplacements plus durables et tout simplement plus vivables ! Au CADR 67, on a une suggestion : et si la devise du pays « Pura vida » (« la vie pure ») devenait « Pura vida en bicicleta » (« la vie pure à vélo ») ?

—- Muchas Gracias Roberto for answering my questions and correcting my Spanish !

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