A bicyclette avec Annie et Denis

Pour notre deuxième article de la série « le vélo comme on l’aime », l’équipe du CADR 67 est partie pédaler dans le quartier de Cronenbourg, au nord-ouest de Strasbourg. Nous y avons fait la connaissance d’un couple de Strasbourgeois : Annie et Denis. Elle est infirmière au Centre Hospitalier Universitaire de Hautepierre, à deux pas de Cronenbourg. Il travaille pour l’Eurométropole de Strasbourg, à la direction de la construction et du patrimoine bâti. Elle aime le soleil et les balades. Il aime la montagne et le chant.

Lorsque nous leur avons demandé s’ils associaient vélo et chanson, ils ont fredonné à l’unisson La Bicyclette de Montand. Et Annie d’ajouter : « Cette chanson, c’est l’archétype même de la bonne journée ! C’est une bande de copains, heureux ensembles, tout simplement. C’est frais, c’est la nature. En un mot : la liberté du vélo ! » Bref, cette belle rencontre nous a donné des envies de balades et de ballades : à bicyclette avec Annie et Denis !

Premiers souvenirs de vélo : sacré bobo et grosse colère

Annie a passé son enfance dans le quartier de Cronenbourg. C’est son papa qui lui a appris à faire du vélo : « Je le vois encore tenir le porte-bagage pour que je ne chute pas. Je devais avoir six ou sept ans. » Enfant, elle fait surtout du vélo pour aller voir les copains dans le quartier. Pour le reste, elle se déplace principalement à pied – l’école étant tout près de la maison. Une fois au lycée, Annie utilise le vélo quotidiennement pour se rendre en cours – tous les matins, midis et soirs.

Denis, lui, a grandi dans le Haut-Rhin. Ses premiers souvenirs de vélo sont un peu flous : « J’ai appris alors que je devais avoir une dizaine d’années. Je pense que c’était avec mes parents, mais je ne m’en souviens pas très bien… » Comme Annie, il faisait assez peu de vélo étant enfant : « A l’époque, on habitait Ribeauvillé. On faisait pas mal de vélo dans la cour pour s’amuser, mais on l’utilisait peu se déplacer. Comme la maison était tout près du collège et du lycée, on pouvait quasiment tout faire à pied. »

Les souvenirs d’enfance sont l’occasion d’évoquer quelques anecdotes de jeunes cyclistes. Annie commence : « Enfant, j’ai habité pendant deux ans et demi à Niederbronn-les-Bains. Mon frangin faisait du vélo et j’étais assise derrière sur le porte-bagage. A un moment donné, une voiture nous a frôlé de très près, j’ai voulu l’éviter en rentrant mon pied et je me suis pris le talon dans la roue ! Un sacré bobo ! »

Denis enchaîne avec un sourire : « Moi, j’ai une anecdote « grosse colère » ! Quand nous avons quitté le Haut-Rhin pour revenir à Strasbourg, j’ai intégré le lycée Couffignal à la Meinau et je m’y rendais régulièrement en vélo. Et un beau jour, je me suis fait voler mon vélo ! Je suis rentré à la maison furax. Un ami de mes parent était là. C’était plutôt quelqu’un d’aisé – en tout cas, quelqu’un qui avait les moyens. J’ai raconté mon histoire et ce gars, tout ce qu’il a trouvé à me dire, c’était : « Oh mon pauvre Denis, si j’avais eu un vieux vélo, je te l’aurais donné… » Ça m’a mis dans une de ces colères ! J’ai trouvé ça tellement mesquin… »

Le vélo à travers les générations

Qu’en était-il des parents de Denis et Annie ? La réponse est sans détour : « Nos parents ne faisaient pas de vélo. » Comme l’explique Annie : « Mes parents ont fait du vélo quand ils étaient jeunes, parce que dans les années quarante, avant-guerre, il y avait très peu de voitures. A l’époque, on prenait le tram ou on se déplaçait à vélo. Mais après, plus jamais. Je crois bien que je n’ai jamais vu mes parents sur un vélo. »

Et les enfants, alors ? Annie et Denis racontent que leurs deux garçons ont commencé très tôt à faire du vélo. Pas toujours évident de se rappeler qui a appris quand et comment, mais les souvenirs reviennent peu à peu au fil de la discussion : « L’aîné Julien a appris à faire du vélo, en colonie de vacances, avec son enseignant de CP. En rentrant, il n’avait plus de petites roues ! Le cadet, Martin, a appris à faire du vélo dans la cour de l’école de Gustave Doré. Sa baby-sitter était l’une des institutrices de l’école. Il lui arrivait donc d’avoir la cour pour lui tout seul pendant les vacances et le mercredi. »

Comme l’expliquent Annie et Denis, apprendre le vélo était devenu un impératif pour le petit Martin : « Le moment décisif a été quand on lui a annoncé qu’on voulait partir en vacances à l’île Dieu, en Bretagne, où il n’est possible de se déplacer qu’à vélo. On lui a dit : « Cet été, les vacances c’est sans voiture ! Il faut donc que tu saches faire du vélo ! » C’était un peu du chantage, mais ça l’a décidé à s’y mettre ! » Annie ajoute : « Le pauvre… Je pense qu’il s’est pris les plus belles gamelles de sa vie pendant ces vacances-là… » Ah les parents !

Elle poursuit : « Les garçons ont appris à faire du vélo très tôt, mais ils n’allaient pas à l’école à vélo. Ils faisaient des tours dans le quartier, pour aller jouer, voir des copains : pour le plaisir ! Au quotidien, nous faisions la plupart de nos déplacements à pied. Julien est allé au collège Kléber et il s’est rapidement mis au vélo. Il étudie maintenant à la fac de Strasbourg et utilise le vélo de manière quasi quotidienne pour ses déplacements. Martin, lui, était plutôt transport en commun. Il allait au lycée Couffignal et cela faisait un trajet conséquent depuis Cronenbourg. Ce n’est que depuis l’année dernière qu’il s’est mis à faire beaucoup de vélo : il fait actuellement un BTS à Montbéliard et se rend tous les matins au lycée à vélo. »

Un couple, deux pratiques du vélo !

Annie préfère la jouer cash : « Je suis une cycliste beaucoup moins regulière que Denis ! » Il lui arrive souvent de prendre le vélo pour se rendre à son travail, au Centre Hospitalier Université de Hautepierre. A vélo, le trajet lui prend sept minutes chrono. Elle explique : « L’hôpital dispose d’un espace sécurisé pour garer les vélos, mais il est situé trop loin de mon vestiaire. Je préfère garer mon vélo à des arceaux plus proches. Il est exposé à la pluie, mais ça ne fait rien… » En effet, Annie a une astuce d’infirmière pour protéger sa selle de la pluie : enfiler un sur-chaussure dessus. Pas bête !

Pour Annie, pas question d’utiliser les transports en commun pour se rendre au travail : « Comme il n’y a pas de liaison directe, cela me ferait faire des détours insensés ! Par contre, quand je vais en ville, j’emprunte volontiers le bus ou le tramway. » Pour le travail, Annie avoue souvent préférer l’option voiture : « S’il fait trop moche, trop froid ou si je dois transporter des choses lourdes, je ne prends pas le vélo. »

Denis, lui, est un cycliste plus assidu. Il prend le vélo par presque tous les temps, sauf quand il fait vraiment trop mauvais. Dans ce cas, il emprunte les transports en commun. Comme l’explique Denis, la pratique du vélo est venue avec les années : « Au début, je me rendais au travail en voiture parce que je devais déposer les enfants à l’école. Le faire à vélo, c’était trop compliqué. Une fois les enfants grands, je suis passé au bus et au tram. Et depuis quelques années maintenant, je fais le trajet à vélo. »

Comment expliquer ce changement ? Denis est d’abord convaincu qu’il faut réduire l’utilisation de la voiture en ville, pour limiter les impacts environnementaux.  Mais ce sont aussi les aspects pratico-pratiques du vélo qui l’ont incité à se mettre en selle : « Il était devenu impossible de se garer au travail et je passais autant de temps à m’énerver dans les bouchons qu’à prendre les transports en commun. Au bout d’un moment, j’en ai eu ras-le-bol du bus et du tram : de la promiscuité, des gens qui ne sont pas toujours agréables, du temps passé à attendre si je loupe un bus… Finalement, je mets presque le même temps à vélo qu’en transport en commun ! » Et Denis s’est peu à peu pris au jeu : « Le vélo me permet de faire de l’exercice, de bien me réveiller le matin et de déconnecter le soir en rentrant. J’aime traverser la ville à vélo le matin, passer par Grand Rue quand la ville s’éveille… »

Denis poursuit : « Je n’ai aucun problème pour garer mon vélo au boulot. On a un superbe parking à vélos sur le parvis de l’Eurométropole. C’est parfois un peu juste pendant la belle saison, mais on arrive toujours à trouver une place. Il y a aussi un autre parking à l’intérieur du bâtiment, qui est accessible de plein-pied. » Et si Denis n’est pas venu à vélo le matin, il peut toujours emprunter un vélo en libre-service : « Nous avons la chance de pouvoir profiter des vél’hop gratuitement. Ils sont garés sur le parking du personnel et mis à disposition. Je peux utiliser le vél’hop pour mes déplacements de travail pendant la journée. Si je dois aller dans des quartiers éloignés, au Neuhof par exemple, je préfère la voiture : c’est quand même plus pratique. »

Strasbourg : capitale de la petite reine ?

Lorsque nous demandons à Annie et Denis ce qu’ils retiennent de positif des transports dans l’Eurométropole, leur réponse est sans détour : « Le tram ! ». Annie regrette néanmoins le prix élevé de l’abonnement et du billet : « Ils ont revu les tarifs à la hausse il n’y a pas longtemps. Pour les gens, les jeunes notamment, c’est un sacré coût ! » En revanche, Annie apprécie la piétonisation du centre-ville : « Pour avoir connu enfant la place Kléber livrée aux voitures, je mesure le chemin qui a été parcouru ! Pouvoir partir de la Fnac et arriver à l’autre bout de la place sans croiser une seule voiture, c’est vraiment top ! Strasbourg est une ville agréable pour cela : on peut tout faire à pied. » Denis est bien d’accord : « Au cœur de la ville, les piétons sont rois ! Il n’y a quasiment plus de voitures, les parkings sont souterrains, le stationnement en surface est limité : c’est une bonne chose. »

Et côté vélo ? Comme nous allons le voir, Annie et Denis ont des avis bien contrastés sur la question !

« Strasbourg, 4ème ville cyclable du monde », qu’en pensez-vous ? Denis se montre impressionné, quoiqu’un tantinet sceptique : « Wow ! Je savais qu’on était très bien positionnés, mais à ce point-là… On arrive à battre des villes hollandaises ? » Annie, elle, n’y croit pas une seconde : « Moi, je dirais : Strasbourg, peut mieux faire ! »

Première critique : le manque d’infrastructures cyclables sur les grands axes. Annie s’explique : « Honnêtement à Cronenbourg, je n’ai pas l’impression d’être dans la capitale du vélo ! Ce n’est vraiment pas agréable de faire du vélo sur les grandes axes, comme la route de Mittelhausbergen ou celle d’Oberhausbergen. » Denis confirme : « C’est vrai que ce n’est pas pratique. Il faut prendre les petites rues, emprunter la rue du Rieth et celle de Hochfelden. Ça fait faire un petit détour. Au niveau du groupe scolaire Gustave Doré, c’est vrai que c’est une catastrophe le matin et le soir, lorsque les parents viennent déposer leurs enfants en voiture… » Mais comment faire pour « créer »  de l’espace pour les vélos ? Comme le souligne Denis, les choses ne sont pas si simples : « Le problème, c’est que les chaussées sont trop étroites. Tant que ces axes seront ouverts à la circulation automobile, il n’y aura pas moyen de créer des pistes cyclables – à moins de casser les immeubles pour élargir la chaussée et permettre à la fois la circulation des automobiles, des bus et des vélos… » Annie évoque aussi les problèmes des chaussées endommagées et des travaux qui proposent rarement des itinéraire alternatifs pour les vélos : « Avoir un bitume un petit peu plus lisse, ce serait plus sympa ! »

Pour Annie, circuler en vélo dans le centre-ville est loin d’être une sinécure : « Il y a du monde, des touristes, des piétons… Et les gens ne font pas toujours attention aux vélos. Grand Rue à vélo, je trouve que c’est compliqué ! Honnêtement, on ne peut pas tracer à vélo en ville. » Denis rétorque avec malice : « Bah moi, je trace pourtant ! » Il ajoute : « Mais, c’est vrai qu’il faut être prudent. On ne peut pas tracer dans le secteur piétonnier. Dans la plupart des cas, il n’y a pas de pistes cyclables parce qu’il n’y a pas de place. Et c’est normal. Après, il y a clairement des problèmes de cohabitation entre les piétons et les cyclistes. L’un comme l’autre peuvent être aussi indisciplinés que certaines automobilistes ! » Denis poursuit : « Il y aurait aussi des choses à redire au niveau du stationnement pour les vélos. On voit des vélos attachés partout, n’importe où… On manque de places de stationnement réservées aux vélos, bien sécurisées. Je pense que ça va s’améliorer avec le temps. »

Annie et Denis s’accordent sur un point : à vélo, on ne sent pas toujours en sécurité ! « En l’absence de piste cyclable, clairement non. Sur les lignes de bus, encore moins ! Et même sur certains axes, quand on est en présence d’une piste cyclable, il faut rester vigilant aux intersections. Il faut toujours être prudent à vélo. On n’est jamais à l’abri d’une voiture qui débouche et qui ne s’arrête pas. » – pour reprendre les mots de Denis. La hantise d’Annie, c’est la portière qui s’ouvre : « J’ai toujours peur de me prendre une portière, lorsque je roule à côté d’une rangé de voitures garées… » Et Denis de conclure : « On sait qu’on reste des utilisateurs fragiles de la voirie et qu’il faut être vigilant. »

Si Annie se montre plutôt critique, Denis préfère voir le côté positif des choses : « Je trouve que de beaux efforts ont été faits pour le vélo. Nous disposons de belles pistes cyclables, dans les limites permises par le tissu urbain dense de Strasbourg. Il y a aussi des balades sympathiques : la piste des Forts par exemple ou encore le long du canal de la Bruche. » Annie ajoute : « Actuellement, il est clair que la ville met beaucoup plus l’accent sur les transports en commun que sur le vélo. Néanmoins, de belles choses ont été faites : le vél’hop par exemple ! » Et Denis donne le mot de la fin : « Le challenge Au Boulot à Vélo est aussi une belle réussite. Il a beaucoup été relayé à l’Eurométropole. On a même un challenge dédié au sein de la collectivité entre directions et services… »

– – – Un grand merci à Annie et Denis pour avoir partagé leur expérience et leur bonne humeur !

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