Aby, oh Aby !

Monsieur et Madame Cyclette ont une fille. Comment s’appelle-t-elle ? Aby Cyclette ! Voici le joli pseudonyme d’une jeune illustratrice strasbourgeoise, qui a tout plaqué pour partir vivre un an au Québec, avant d’enchaîner avec un séjour de 10 mois en Nouvelle-Zélande – des aventures qu’elle croque avec malice sur son blog et qui ont été publiées sous forme de recueils. Il n’en fallait pas plus pour susciter notre curiosité et nous donner envie de faire la connaissance de cette cycliste mordue de voyages. Cela tombe bien : Aby est de retour à Strasbourg et a accepté de se prêter au jeu de l’interview, entre deux séances de dédicace de sa bande dessinée Welcome to Kiwiland – Récit d’un aller et retour en Nouvelle-Zélande ! Une rencontre qui nous a donné envie de manger des poutines, de revoir le Seigneur des Anneaux et d’écouter du Bashung. Aby, oh Aby ! Tu devrais pas m’laisser la nuit. J’peux pas dormir, j’fais qu’des conneries. Oh Aby !

Hit the road, Aby Cyclette !

Dessiner a toujours été le passe-temps favori d’Aby, avec quelques prédispositions côté paternel : « Mon père voulait devenir illustrateur – il a d’ailleurs fait quelques planches dans le magazine Métal Urbain – et m’a toujours encouragée dans cette voie ! J’ai fait un bac arts appliqués au lycée Marc Bloch de Bischheim et ça m’a beaucoup plu. J’ai enchaîné avec un BTS en communication visuelle avant d’intégrer les beaux-arts de Metz avec une spécialisation en illustration narrative – ou pour faire simple : bande dessinée ! » Une fois son diplôme en poche, Aby rentre à Strasbourg où elle travaille dans une boîte de communication pendant trois ans. Seul hic, la jeune femme n’est pas heureuse : «  Même si j’aimais ce que je faisais, je n’aimais pas l’ambiance au travail. Je détestais rester assise devant un ordinateur toute la journée, ça me rendait folle ! Est-ce que je vais faire ça jusqu’à ma retraite ? Et là, je me suis dit : non ! J’ai tout quitté, revendu mes meubles, demandé un VISA canadien – que j’ai eu la chance d’obtenir – et je suis partie vivre un an là-bas. »

C’est ainsi qu’Aby atterrit au Nord du Québec, dans la ville de Rimouski. Une expérience grisante et libératrice, à la découverte de la culture québécoise et du travail dans la restauration, qu’Aby retrace sur son blog abycyclette.eklablog.com. Un post en entraînant un autre, les statistiques s’affolent et le site attire toujours plus de lecteurs. Le travail d’Aby est récompensé par la ville de Rimouski, qui lui remet le prix de l’artiste de la révélation pour la féliciter de cette belle initiative. L’idée de compiler le projet sous forme de livre fait peu à peu son chemin : « De retour en France, j’ai collecté mes illustrations, je les ai faites relier et je les ai proposées à des maisons d’édition… Et je n’ai eu que des retours négatifs, voire pas de retours du tout ! Une lectrice de mon blog m’a alors suggéré d’essayer le financement participatif. Cela a a été une épreuve administrative, mais certainement l’une des meilleures expériences de ma vie, avec l’année au Québec. Tout gérer de A à Z, créer la microentreprise, contacter les imprimeurs, gérer le financement : c’était tip top ! » Et ça a marché ! Le récit des aventures d’Aby est finalement publié sous le titre T’es tu correct ? – Histoire d’un voyage et petit guide pratique pour le Québec (tous les exemplaires ont été écoulés pour l’instant, mais une prochaine réédition n’est pas improbable !).

De retour en Alsace, Aby n’a qu’une envie : retourner s’installer au Québec ! Mais l’obtention d’un VISA permanent s’avère être un parcours du combattant : « Au bout d’un an, je me suis rendue compte que les démarches prendraient beaucoup plus de temps que prévu. Comme je ne voulais pas retourner travailler devant un ordinateur, j’ai regardé les autres VISA possibles et je suis tombée sur la Nouvelle-Zélande !  J’ai tenté le coup et, au bout de deux jours, c’était dans la poche ! » C’est ainsi qu’Aby est partie vivre dix mois de l’autre côté du globe, en Nouvelle-Zélande, avec l’idée d’en faire un nouveau livre : « J’’étais partie pour refaire un financement participatif, lorsque j’ai reçu un mail des éditions Michel-Lafon. Ils avaient vu mon premier livre, avaient beaucoup aimé et étaient partants pour éditer le deuxième ! J’ai cru que c’était une blague, mais en fait pas du tout ! » Et voilà, une affaire qui roule ! Le récit du voyage d’Aby est disponible dans un recueil tout beau, tout bleu : Welcome to Kiwiland – Récit d’un aller et retour en Nouvelle-Zélande.

Pour en savoir plus, allez donc jeter un œil aux différents liens que nous avons glissés dans ce paragraphe et ainsi qu’au nouveau blog d’Aby : abycyclette.com. Mais pour l’heure, il nous tarde de répondre à une question essentielle…

Pourquoi Aby Cyclette ?

« En fait, je m’appelle Charlotte, comme le gâteau ! Quand je me suis lancée dans l’illustration, j’ai décidé de prendre un pseudonyme : d’une part, parce que ça fait super-héros vachement cool et puis d’autre part, parce que je ne voulais pas que les gens puissent me confondre avec ma grand-mère, qui porte le même nom que moi, au cas où je publierais certains dessins compromettants. A l’époque, c’était au lycée et je faisais déjà beaucoup de vélo. J’aimais bien Abigaël dans la série NCIS, la médecin légiste gothique… Je me suis dit Aby… Aby Cyclette ! Ça m’a fait marrer. »

Un pseudonyme d’autant plus cohérent qu’Aby a toujours été cycliste, depuis toute petite : « J’ai appris à pédaler comme tous les enfants. A l’époque, on vivait avec mes parents à Souffelweyersheim. Le village venait de se construire, c’était encore tranquille, avec beaucoup de jeunes familles, très peu de voitures et beaucoup de cyclistes. Je suis allée à vélo à l’école primaire, au collège puis au lycée. Le lycée Marc Bloch dispose d’un grand garage à vélo sécurisé, près de la cantine : c’était classe ! Quand il faisait très moche, j’y allais en bus et en tram ; et puis sinon je m’y rendais à vélo en traversant le canal et en suivant les pistes cyclables. »

Coïncidence ou pas, Aby arrête le vélo pendant la période où elle travaille en agence de pub, un quotidien qui ne lui convient pas et  qu’elle finira par envoyer valser : « C’était une période de consommation : j’ai un salaire, une vie stable, je vais dépenser l’argent, compenser en consommant. Je me suis offert une vespa dont j’étais trop fière, mais du coup, j’ai pris du poids parce que je faisais moins d’exercice… » Le vélo : gage de bonne santé physique, mais aussi de bonne humeur ! Aby l’a bien compris et c’est ainsi qu’elle a mis un point d’honneur à utiliser le vélo, même à l’autre bout du monde : « Dès que j’arrive dans un pays, la première chose que je fais après avoir trouvé un logement et ouvert un compte bancaire, c’est trouver un bon petit vélo ! » Nous n’en attendions pas moins de notre cycliste globe-trotteuse ! Alors le vélo au Québec et en Nouvelle-Zélande, c’est comment ?

Vélo chasse-neige et balades le long du Saint-Laurent

Une fois installée au Québec, Aby a rapidement dégoté une monture d’occasion sur internet : « J’ai trouvé mon vélo via le Bon Coin québécois, Kijiji. Seulement, j’avais oublié que les Québecois utilisent le système impérial et non le système métrique ! Du coup, je n’ai pas fait attention au diamètre des roues et je me suis retrouvée avec un vélo taille adolescent… » Réflexe strasbourgeois oblige, Aby s’est empressée d’aller acheter un cadenas dans une boutique, ce qui n’a pas manqué de surprendre les vendeurs : « Ils m’ont demandé : « Mais pourquoi veux-tu cadenasser ton vélo ? Personne ne veut te le voler ! C’est le Québec, ici ! » Et ils avaient raison : personne n’attache son vélo à Rimouski ! Bon après, c’est vrai que c’est une petite ville, ce n’est pas Montréal non plus ! »

Le vélo est ainsi redevenu le moyen de déplacement principal d’Aby : « Les premiers temps, le vélo a été bien pratique quand je cherchais un emploi. Ensuite, j’ai trouvé un boulot dans un fast-food près de chez moi, environ 4-5 kilomètres aller-retour, mais j’étais tout de même bien contente de pouvoir faire le trajet à vélo car cela me permettait de me lever plus tard le matin ! » La jeune femme a quelques anecdotes épiques sur l’hiver canadien : « Il y avait parfois tellement de neige que je n’arrivais plus à passer à vélo : je devais marcher devant à reculons et le tirer, façon traîneau à chiens, sauf que c’était moi le traîneau ! » Mais dans l’ensemble, Aby garde d’excellents souvenirs de ses balades à Rimouski, avec un coup de coeur pour la piste qui longe le fleuve Saint-Laurent :  « Plusieurs fois par semaine, je faisais un détour en rentrant du travail pour passer par là : c’était tellement beau ! Je pouvais prendre la piste cyclable sur des kilomètres et des kilomètres, sans jamais m’arrêter. Rimouski correspond pile poil l’endroit où le fleuve rejoint la mer, ce qui fait que l’on trouve à la fois des poissons d’eau douce et d’eau de mer. On longe la rivière tout en profitant des embruns marins !  » 

Avis aux futurs cyclistes qui aimeraient s’aventurer au Canada : la prudence est de mise pour repérer les différentes réglementations en vigueur d’un état à l’autre. Comme l’explique Aby : « Au Québec, personne ne faisait vraiment attention au port du casque. Je suis allée rendre visite à une amie qui habite Gatineau, à la frontière entre le Québec et l’Ontario. Nous sommes allées faire un tour à Ottawa, qui se trouve juste en face de Gatineau, mais dans l’état l’Ontario. Je voyais que mon amie avait emporté son casque avec elle et, dès que nous avons traversé le pont qui mène à Ottawa, elle m’a dit de mettre le mien, parce que dans cet état, c’est obligatoire ! » Aby poursuit : « Je crois qu’au Québec, le port du casque est recommandé mais pas obligatoire. Il faut dire que les automobilistes sont tellement courtois là-bas que les cyclistes n’en ont pas vraiment besoin. Quoique, j’aurais bien voulu l’avoir le jour où j’ai glissé sur une belle plaque de verglas… J’étais d’ailleurs étonnée car trois personnes se sont retournées d’un coup et se sont arrêtées pour me demander si ça allait. »

Et qu’est-il arrivé à la bicyclette québécoise d’Aby ? « J’avais rejoint une association d’auto-réparation de vélo, avec laquelle j’ai appris à démonter puis remonter mon vélo de A à Z, ainsi que les petites astuces pour tout réparer… J’avais même acheté un petit kit de matériel avec les différentes clefs ! Avant de partir, j’ai offert mon vélo à l’association pour qu’ils le nettoient bien et puissent le revendre. »

Cycling in Kiwiland

L’expérience cycliste d’Aby en Nouvelle-Zélande n’a pas grand-chose à voir avec celle au Québec. Premier constat : impossible de trouver un vélo bon marché sur les sites de petites annonces ! Aby s’est donc rendue au rayon sport d’un Warehouse local : « Je suis tombée amoureuse d’un vélo de ville bleu clair, avec un cadre hollandais et un petit panier à l’avant. Pour 200 dollars, je suis repartie avec ! »

Comme l’explique Aby, la pratique du vélo est encore timide au pays des Kiwis : « Les gens sont plus voiture là-bas. Le vélo est utilisé pour les courtes distances ou alors, tu attaches ta monture à l’arrière de ton 4×4 et tu te rends dans un endroit pour y faire du vélo. Entre deux villes, il y a la route et rien d’autre ; ce n’est pas comme en France où l’on peut suivre des voies aménagées le long des routes ou des canaux pour se rendre d’une ville à l’autre. » Elle poursuit : « Il n’y a pas vraiment de pistes cyclables en ville, ce qui fait que je devais rouler sur la route. Je n’ai jamais eu de soucis avec les automobilistes car ils me voyaient clairement arriver donc il n’y avait pas de problème. » Petit bémol cependant : les Néo-Zélandais roulent à gauche ce qui a occasionné quelques frayeurs à Aby lors de ses premières sorties !

Aby a aussi découvert une réglementation beaucoup plus stricte qu’en France et au Québec : « J’ai fini par être arrêtée par un agent de la sécurité routière qui, en entendant mon accent français, a compris que j’étais nouvelle dans le coin. Il m’a expliqué qu’ici, c’était gilet fluo et casque obligatoire ! Ils sont très carrés à ce niveau-là. » Elle ajoute : « Par la suite, j’ai rencontré une autre expatriée qui venait d’Argentine et à qui il était arrivé la même anecdote avec le même agent de police. » Décidément !

Et qu’est devenu le beau vélo hollandais d’Aby ? « Le patron du restaurant dans lequel je travaillais voulait que j’attache mon vélo devant la vitrine : il faisait tellement français ! Quand je suis partie, je suis allée voir mon chef et je lui ai demandé s’il voulait le vélo. Il me l’a racheté 100 dollars, rempli le panier de fausses fleurs, fait fabriquer un petit morceau de bâche qui rentrait dans le cadre et couvrir le porte-bagage pour indiquer la direction du restaurant. »  

Back in Alsace

Rentrée en France depuis l’an dernier, Aby avait tout d’abord emprunté le vélo de sa grand-mère : « Au Québec, je n’accrochais même pas mon vélo ; en Nouvelle-Zélande, je l’attachais mais bien en vue . Je ne me suis donc pas posé de questions : j’ai attaché la monture à des arceaux juste devant chez moi. La première nuit, pas de soucis, mais après la seconde, il n’y était plus ! »

Aby investit alors dans un vélo Rembrandt, chiné dans un vide-grenier, qu’elle prend soin de garer dans sa cour à un endroit peu voyant, avant de passer au vélo électrique : « J’ai trouvé un travail régulier à 10 km de chez moi, en tant que cuisinière dans une la maison de retraite. Je commençais à avoir un peu mal aux cuisses, d’autant plus que mon travail m’oblige à rester debout toute la journée. Après avoir reçu mes premiers à-valoir sur le livre, je me suis renseignée pour l’achat d’un VAE et je suis partie sur le modèle 900 de B’twin Décathlon. Ça fait maintenant deux mois que je l’ai et j’en suis très contente : je fais mes vingt kilomètres par jour sans m’épuiser. C’est vraiment très agréable ! » Aby nous confie l’un de ses petits plaisirs : doubler, l’air de rien, en pédalant tout doucement et en activant l’assistance électrique, les « échappés du tour de France » ! Elle ajoute : « Je redécouvre un peu plus tous les jours Strasbourg à vélo. J’aime bien changer régulièrement de chemin. Avec les travaux qu’il y a actuellement Porte Blanche et route des Romains pour prolonger le tram, c’est un calvaire pas possible pour venir en voiture ou en bus, je suis donc bien contente d’avoir mon vélo. »

Après son séjour en Nouvelle-Zélande, Aby a pris l’habitude de porter le casque, « surtout avec le VAE qui peut aller jusqu’à 25 km/h ! ». Toute fière, elle nous montre son couvre-chef, bleu pâle et strié de lignes plus foncées : « Je l’ai trouvé dans un vide-grenier en Alsace. Je crois qu’à la base, cela devait être un casque pour faire du skate… Je me suis amusée à le recouvrir d’une peinture acrylique, qui n’abîme pas l’intégrité du casque et qui brille dans le noir. Quand je commence à pédaler et que la batterie se met en marche, mon vélo fait : BBbbbvvvvv. La nuit, avec le casque qui brille, c’est top ! Vous vous souvenez du vieux film « Tron » avec James Bridges quand il fait de la moto lumière ? Eh bien, moi c’est pareil, mais sur mon vélo ! » Une alternative imparable au gilet fluo !

Et le vélo à Strasbourg ? Qu’en pense Aby ? « Pour avoir vu d’autres villes, dans d’autres pays, je trouve qu’à Strasbourg, nous avons la chance d’avoir plein de pistes cyclables et d’endroits très jolis pour rouler à vélo. Le problème, c’est que les mentalités ne sont pas encore là ! Je croise régulièrement des cyclistes qui n’en ont rien à faire et qui conduisent encore moins bien que certains automobilistes. Trottoirs, routes, pistes cyclables : rien à faire, ils tracent ! Et surtout, ils donnent le mauvais exemple à la prochaine génération de cyclistes strasbourgeois. Il y a encore du travail à faire ! »

Entre son travail à la maison de retraite et la promotion de sa bande-dessinée, Aby n’a pas le temps de chômer. Elle se fait peu à peu à l’idée de s’installer à Strasbourg, avec son compagnon, mais souhaiterait faire un dernier voyage avant de poser définitivement ses valises. Nous avons eu droit à une petite exclu : après le Québec et la Nouvelle-Zélande, Aby est en train de plancher sur « The Jules Verne Project ». Affaire à suivre !

On croise les doigts pour la suite Aby ! Et encore merci d’avoir répondu à nos questions !

 

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